Coûts d’une gestion durable des eaux pluviales : plus économique que les techniques « classiques »
L’un des freins souvent soulevé contre la mise en oeuvre de techniques de gestion durable des eaux pluviales est leur coût. C’est un changement de pratiques et de stratégies d’aménagement qui s’opère et se doit d’être accompagné. La notion de coût global vient combattre cette idée reçue. Elle permet de faire émerger les potentiels d’économies d’un projet de déconnexion des réseaux…
Plusieurs études quantitatives, qualitatives et retours d’expériences le prouvent : l’urbanisme durable ne coûte pas plus cher, bien au contraire.
Moins de coûts d’investissements, des profits liés à la déconnexion des réseaux, des économies de traitement et d’entretien, des services écosystémiques et bénéfices environnementaux multiples…
Les techniques de gestion durable des eaux pluviales représentent un choix d’urbanisme conscient et un investissement rentable à court, moyen et long terme. Découvrez les données chiffrées de ces études et retours d’expérience….
1. Comparaison des coûts de différents
scénarios de gestion des eaux pluviales
Groupe de travail "Eaux pluviales et Aménagement" - GRAIE
Cette étude publiée par le GRAIE en 2018 porte sur l’aménagement d’une zone d’activité de 6,5 ha pour lequel on a comparé différents scénarios de gestion des eaux pluviales. L’efficacité des ouvrages avait été étudiée lors d’une première phase en 2015. Ici, c’est le coût des aménagements qui est analysé au travers de trois scénarios :
- Scénario 1 : Gestion centralisée avec un réseau pluvial enterré classique et un bassin d’infiltration
- Scénario 1 bis : scénario 1 avec ajout d’aménagements paysagers apportant des services écosystémiques équivalents au scénario 2
- Scénario 2 : Gestion à la source par des noues d’infiltration
Résultats de l’étude :
Aspect quantitatif :
La gestion à la source (S2) est plus avantageuse que la gestion traditionnelle (S1) en termes :
- d’investissement : 3,5 fois moins élevé
- de coût global annuel (investissement + entretien) : 1,5 fois moins élevé
Aspect qualitatif :
L’étude dresse un tableau comparatif des services écosystémiques rendus par les scénarios. La gestion des eaux pluviales à la source apporte sans conteste beaucoup plus de bénéfices, notamment sur ces aspects :
- Lutte contre les îlots de chaleur
- Plus-value liée à la présence d’espaces verts
- Support potentiel de biodiversité
- Protection de la nappe phréatique vis-à-vis des pollutions
- Adaptabilité du site à l’évolution
2. Évaluation des coûts globaux autour
de la gestion de l’eau dans la ville
Etude | SAFEGE - SUEZ Consulting
La notion de coût global comprend les INVESTISSEMENTS, la GESTION et les BÉNÉFICES.
L’étude réalisée par SAFEGE à la demande du GRAND LYON, porte sur la comparaison de 7 scénarii de gestion des eaux pluviales dans le cadre d’un projet de création d’une voirie en milieu urbain, en tenant compte de tous les métiers de la gestion de l’espace public. Au delà de l’aspect quantitatif, les bénéfices suivants sont analysés :
- Limitation de l’effet ICU, Nature en ville
- Adaptabilité des systèmes au changement climatique
- Performances des systèmes d’assainissement, protection des milieux aquatiques
- Limitation de la production de déchets non valorisables
Les graphiques ci-dessous montrent clairement que les techniques dites classiques (réseau unitaire ou séparatif + bassin) sont beaucoup plus onéreuses à l’investissement que les techniques de gestion intégrée. Elles le sont également avec une approche de coût global – projections à 10 ans et 60 ans – en tenant compte des coûts d’exploitation et bénéfices.
Présentation d’Elodie BOULOGNE, SAFEGE – SUEZ Consulting, le 4 octobre 2018
Un autre volet de l’étude portait sur l’évaluation financière de la déconnexion de 500 ha sur la Métropole de Lyon avec 2 solutions envisagées : la construction de 30 bassins d’orage ou la déconnexion des réseaux de 500 ha de surface grâce aux techniques de gestion durable des eaux pluviales.
- La solution classique des bassins d’orage est 6 fois plus onéreuse à l’investissement que les techniques durables
- Cette tendance se vérifie en terme de coût global avec des projections à 20 ans, 30 ans, 50 ans, … 80 ans
Résultats de l’étude :
- Les projets incluant la gestion à la source sont moins onéreux à l’investissement ET au global
- Les techniques de gestion durable des eaux pluviales comportent beaucoup plus de bénéfices
- Les techniques de surfaces (noues, revêtements perméables) sont celles présentant le plus de bénéfices
Ces résultats vont donc dans le sens des politiques publiques en faveur de la gestion des eaux pluviales à la parcelle.
3. Scenarii comparatifs et retour financier au m3 de stockage avec différentes techniques
Etude de cas | Infra services
Cette étude de cas concrète présente différents scénarii de gestion des eaux pluviales sur une zone d’activité de 12 ha, dans la ville de Rouen. Afin de gérer une pluie centennale de 3h, la première étude de faisabilité recommandait le surdimensionnement des canalisations sous chaussée (Ø 2500 mm).
L’étude comparative menée par le bureau d’études INFRA Services, et proposant différents scénarii incluant les techniques d’infiltration à la parcelle, est sans appel :
Techniques | Coût / m3 stocké |
Solution historique avec réseaux Ø800 | 95 € HT / m3 stocké |
Canalisation surdimensionnée Ø2500 | 450 € HT / m3 stocké |
Réseau Ø800 + Bassin à ciel ouvert | 300€ HT / m3 stocké |
SAUL | 265 € HT / m3 stocké |
Noue canal et Gestion intégrée – Base | de 10 € HT à 45 € HT / m3 stocké |
Noue canal et Gestion intégrée – Qualitatif | de 50€ HT à 180 € HT / m3 stocké |
En plus de l’aspect financier qui montre des coûts d’investissements bien moindres, il faut tenir compte de la plus-value paysagère et environnementale de la mise en oeuvre de noues dans le cadre de ce projet.
4. Bilan chiffré de plus de 25 ans d’une politique pluviale durable
Retour d’expérience | Douaisis Agglo
Suite à plusieurs épisodes d’inondations catastrophiques, DOUAISIS AGGLO a mis en oeuvre dès 1992 une politique pluviale volontariste sur son territoire. Cela en intégrant les techniques de gestion durable des eaux pluviales aux projets d’aménagement, avec l’objectif de l’infiltration de la goutte d’eau à son point de chute.
Grâce à un accompagnement des services et un portage politique fort, le bilan de la collectivité après plus de 25 ans est plus que positif, tant au niveau TECHNIQUE, qu’ENVIRONNEMENTAL et ECONOMIQUE.
Concernant les coûts, la collectivité estime celui du service public de Gestion des Eaux Pluviales Urbaines réduit d’1 Million € HT / an*.
Soit une réduction d’environ 35% de ses coûts de fonctionnement
(1,5 M d’€/an au lieu de 2,5 M d’€/an pour 120 000 habitants).
*résultats publiés dans le cadre d’une étude en 2016
Pour aller plus loin sur le sujet...
L'observatoire des coûts
Agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse
ASSAINISSEMENT COLLECTIF : RÉSEAUX, STATIONS, PLUVIAL
L’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse a mené en 2018 une étude sur les coûts d’investissement des opérations d’assainissement collectif. Elle différencie ces coûts selon 3 volets d’opérations :
- Création et réhabilitation de réseaux d’assainissement
- Traitement plus poussé pour l’azote et/ou le phosphore
- Techniques alternatives de gestion des eaux pluviales
L’étude statistique a donc abouti a la création d’un tableau référentiel des coûts attribuables aux différentes techniques.
Une analyse Coûts-Bénéfices en cours
UMR GESTE ENGEES IRSTEA Strasbourg | UR ETBX IRSTEA Bordeaux
« Analyse coûts-bénéfices des multifonctionnalités des techniques alternatives pour la ville et ses habitants »
L’étude en cours pour l’AFB (2016-2018) « Coûts de financement de la gestion des eaux pluviales » porte sur la mise en rapport des coûts et des bénéfices liés aux externalités positives des techniques de gestion des eaux pluviales appliquées à trois sites de l’Eurométropole de Strasbourg, pour lesquels trois scénarii d’aménagement sont étudiés. C’est une approche multi-acteurs et multi-métiers pour les collectivités (notamment sur la thématique de l’entretien), et multi-fonctionnelle pour les habitants. Il s’agit ici d’étudier deux types de coûts et de bénéfices, en différenciant :
- ceux se rapportant à la collectivité
- ceux se rapportant à la ville et ses habitants
Cette étude entre dans le cadre du projet GIEMU (pour Gestion Intégrée de l’Eau en Milieu Urbain) avec le CEREMA et l’IFSTTAR, et se prolonge par une 2ème étude pour l’AFB en 2019-2021.
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Témoignage de Caty WEREY, Ingénieur chercheur Irstea UMR GESTE Strasbourg et Bénédicte RULLEAU, Chargée de recherche, UR ETBX Irstea Bordeaux